Journées européennes du Patrimoine,
Deux journées dédiées au peintre Henri Marret
organisées par l’Association Fourqueux Patrimoine
samedi 19 et dimanche 20 septembre 2020
Les décorations murales d’Henri Marret
Jacques Faraut
Tout d’abord je voudrais remercier chaleureusement madame Monique Grout
pour avoir organisé, avec l’association Fourqueux-Patrimoine, ces deux jour-
nées autour du peintre Henri Marret. Ma famille lui est très reconnaissante
de faire revivre la figure d’Henri Marret sur les lieux il a vécu.
Cette exposition montre des toiles, des aquarelles, des gravures, des des-
sins dont on pourrait dire qu’ils font partie de l’œuvre intime, de l’œuvre
confidentielle du peintre, par opposition à son œuvre publique. Car Henri
Marret est surtout connu pour sa belle carrière de peintre décorateur, tra-
vaillant avec de grands architectes pour de nombreux chantiers, bâtiments
publics, châteaux et églises, et c’est de cette œuvre que je voudrais parler.
Mais pour commencer je vous montrerai quelques photos d’Henri Marret,
enfant d’abord dans sa famille à Fourqueux, puis jeune marié dans son atelier
parisien en 1907, dans son atelier de Fourqueux devant un carton préparatoire
pour une fresque en 1926, avec ses étudiants à Liège en 1930, et enfin, en 1949,
dans son atelier à Fourqueux.
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1. Henri Marret et sa famille devant la maison familiale à Fourqueux, 1888
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2. Henri Marret et sa mère Clémence, 1892
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3. Henri Marret avec son épouse et ses deux premiers enfants
Jean et Geneviève 1907
4. Henri Marret avec ses deux filles Yvonne et Denise, 1926
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5. Henri Marret avec ses étudiants à l’exposition internationale de Liège, 1930
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6. Henri Marret dans son atelier à Fourqueux, 1949
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C’est ici à Fourqueux, dans cette maison et dans l’atelier (le châlet) dans le
jardin, qu’Henri Marret prépare et exécute ses premières décorations qui lui
ont été commandées à la suite de concours : pour la mairie de Gentilly, au
sud de Paris, en 1907, pour la mairie de Saint-Maurice, à l’est de Paris, en
1910.
Pour la mairie de Gentilly il peint un grand panneau qui représente le
travail des maraîchers, un autre, celui des blanchisseuses, activités qui se
pratiquaient dans ce village proche de Paris. Ces décorations ont disparu
aujourd’hui. Mais tout n’est pas perdu, puisqu’Henri Marret a peint une
grande toile sur le motif des blanchisseuses, qui a été acquise par l’État et
qui se trouve aujourd’hui à l’ambassade de France à Lisbonne.
7. Après-midi d’automne, femmes étendant du linge, 1907. Ambassade de France
à Lisbonne.
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La deuxième œuvre monumentale, décorations pour la mairie de Saint-Maurice,
montre des scènes idylliques au bord de la Marne : promenade des familles
par un jour de printemps ensoleillé, des enfants qui dansent. Ces décorations
sont toujours en place et il est possible de les voir aux heures d’ouverture de
la mairie.
Dans ces deux ensembles s’annonce déjà ce qui fera la force du peintre.
Je cite Maurice Denis : «Le souci d’aménagement des surfaces, et ce goût de
la forme simplifiée, réaliste, rustique et massive, qui se développeront plus à
fond par la pratique de la fresque. »
8. Printemps au bord de la Marne, 1910. Mairie de Saint-Maurice
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9. Danse des enfants sous les arbres, 1910. Mairie de Saint-Maurice
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C’est en 1912 qu’Henri Marret rencontre le fresquiste Paul Baudoin, élève et
collaborateur de Puvis de Chavannes. Cette rencontre est décisive et déter-
minera la suite de la carrière d’Henri Marret. C’est auprès de Paul Baudoin
qu’il apprend la technique de la fresque. Sa pratique de l’aquarelle lui permet
d’être tout de suite à l’aise dans l’art de la fresque. Je cite Gaston Varenne :
«L’aquarelle, telle qu’il la comprend, sans raffinement de métier, sobre et
franche, n’est pas autre chose qu’une fresque sur papier. Une recherche do-
minante de l’effet d’ensemble, une expression de premier jet, nette, décisive,
sans retouches affadissantes, sans repentirs, toutes ces qualités de l’aquarel-
liste sont également celles du peintre de fresques.»
10. Le Croisic, bâteau à quai. Aquarelle, 1910
Et c’est dans ce nouveau métier, mieux que dans la peinture à l’huile, qu’Henri
Marret trouvera son style propre. Je cite encore une fois Maurice Denis à ce
sujet : «L’économie des moyens, la sobriété des effets, le calme des tonalités
servent son invention décorative. Enfin son besoin de clarté, de décision, sa
verve primesautière, son impatience de réaliser s’accordent bien d’un métier
qui par ailleurs semble répondre aux exigences essentielles du mur.»
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La première œuvre de grande surface qu’il réalise dans cette forme de peinture
murale est la décoration de l’aérium d’Arès, situé au bord du bassin d’Ar-
cachon. C’est en 1912-1913 que cet aérium est construit par les architectes
Charles Duval et Emmanuel Gonse (Charles Duval est un cousin germain
d’Henri Marret), qui lui confient la décoration du réfectoire. L’ensemble des
fresques comprend un panneau central au dessus de la cheminée et quatre
panneaux qui courent le long des murs au dessus des portes.
Ces fresques montrent les jeux d’enfants à la plage et à l’ombre de grands
pins. En arrière fond sont évoqués des scènes de vie au bord de la mer, les
bâteaux à voile, des charrettes à cheval chargeant des huîtres, des pêcheurs
qui tirent leurs filets de l’eau. Le motif du grand panneau central est le goûter
qui réunit les enfants autour d’une grande table. Françoise Choay commente
ces images : «Ces peintures proposent des images de bonheur, la présence
réconfortante des animaux, visions élégiaques du paysage, des jeux d’enfants
à la plage, comme si elles tentaient, par leurs thèmes et par leur facture, de
faire oublier l’éloignement de la famille et les désagréments de la maladie.
Elles parviennent à transformer de simples épisodes de la vie quotidienne à
l’aérium en un hymne joyeux et stimulant de la vie en plein air.»
Toutes les fresques sont encore aujourd’hui en bon état de conservation.
Elles ne sont malheureusement pas accessibles actuellement car le bâtiment
est fermé depuis de nombreuses années, et l’avenir de l’aérium et des fresques
est incertain.
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11. Le goûter des enfants. Aérium d’Arès, 1913
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12. Les enfants à la plage. Aérium d’Arès, 1913
13. La leçon de couture sous les arbres. Aérium d’Arès, 1913
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Henri Marret préparait cette décoration avec beaucoup de soin. En effet il
ne faut pas hésiter pendant l’exécution d’une fresque sinon le mortier sèche.
Plusieurs cartons et de nombreux dessins préparatoires ont été conservés.
14. Dessins préparatoires pour les fresques de l’aérium d’Arès, 1913
On trouve ces images charmantes, ces scènes de bonheur dans de lumineux
paysages dans d’autres réalisations de cette époque, comme par exemple dans
les décorations du château d’Angervilliers, aujourd’hui en ruines. Mais l’ex-
périence de la guerre va marquer un changement très net et l’œuvre d’Henri
Marret sera alors plus grave et austère.
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En 1914 Henri Marret est mobilisé dans l’infanterie. C’est en 1916 qu’il est
chargé du camouflage dans la région située entre Bar-le-Duc et Verdun. Il est
alors témoin de la guerre sur le front. Il remplit plusieurs carnets de croquis
et traduit ensuite les images en gravures sur bois. Je cite encore une fois
Maurice Denis : «Pendant de longues soirées de la section de camouflage,
Marret commença de tailler avec son canif ses premières gravures sur bois,
c’étaient des spectacles du front, des aspects tragiques de la zone meurtrie.»
14. Carnet de croquis, 1917
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15. Bombardement à Verdun
16. Ravitaillement dans la Meuse
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La guerre et la souffrance dont il a été témoin l’ont profondément marqué.
Dorénavant Henri Marret va orienter son activité pour une grande partie vers
l’Art Sacré. Il décorera un grand nombre d’églises, la plupart situées dans la
Somme, région dévastée par la guerre, églises reconstruites ou restaurées, le
plus souvent en collaboration avec les architectes Charles Duval et Emmanuel
Gonse. Henri Marret s’exprime à nouveau au moyen de la fresque. Mais ce
ne sont plus les images du bonheur des années 1910. Il réalisera de nombreux
chemins de croix et plusieurs monuments aux morts dans cette technique
de peinture murale. Il y a un chemin de croix que beaucoup d’entre vous
connaissent, celui qui se trouve dans l’église de Fourqueux.
17. Chemin de croix, 1922, église de Fourqueux
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18. Église de Sainte-Hélène Bondeville, Seine Maritime, 1923
19. Le retour. Monument aux morts, 1923, Châtillon sur Indre
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Son œuvre religieuse la plus connue se trouve dans l’église Saint-Louis à
Vincennes, construite entre 1921 et 1924 par les architectes Jacques Droz et
Joseph Marrast. À côté de Maurice Denis, qui représente la vie de Saint-
Louis dans le chœur de l’église, Henri Marret réalise un chemin de croix de
quatorze fresques de grande dimension.
Cette coopération avec Maurice Denis se prolongera. En effet Henri Mar-
ret contribuera à la réalisation des fresques de la chapelle du Prieuré dans le
musée Maurice Denis de Saint-Germain-en-Laye.
20. Chemin de croix (détails), Église Saint-Louis de Vincennes, 1921-1924
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21. Chemin de croix (détails), Église Saint-Louis de Vincennes, 1921-1924
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22. Chemin de croix, Église Saint-Louis de Vincennes, 1921-1924
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À la même époque Henri Marret réalise des commandes profanes : une grande
fresque pour la salle du conseil des Tréfileries du Havre, la décoration du
grand magasin Corcellet, avenue de l’Opéra à Paris, parmi d’autres. Plus
surprenante est la décoration par de grandes fresques de la salle à manger du
paquebot De Grasse de la Compagnie transatlantique. Le paquebot n’existe
plus, mais une fresque conservée au musée Maurice Denis à Saint-Germain-
en-Laye donne une idée du style de cette décoration.
23. Trois Bretonnes, 1925. Musée Maurice Denis
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Je voudrais encore mentionner qu’Henri Marret a été élu maire de Fourqueux
en 1937. Il le restera jusqu’en 1944, assumant une responsabilité difficile
pendant l’occupation. Il sera président de la Société nationale des Beaux Arts
de 1948 à 1960. Sa correspondance dans le cadre de cette fonction révèle un
homme toujours soucieux de soutenir les jeunes artistes dans leurs débuts et
de les aider à exposer leurs travaux.
J’avais vingt-quatre ans quand Henri Marret est mort en 1964. L’année pré-
cédente je suis allé avec mon grand-père dans la Somme. Je conduisais sa
voiture. Il avait avec lui son matériel de peinture et a restauré la fresque qui
représente le Bon Samaritain, située dans le chœur de l’église de Beuvraignes.
Cette journée passée avec lui reste pour moi un précieux souvenir.
Je conserve de mon grand-père l’image d’une personne impressionnante
et chaleureuse. Il me tient à cœur que son œuvre reste bien vivante. C’est
l’objectif de l’Association des Amis de l’Œuvre d’Henri Marret et je suis
certain que ces deux journées organisées par madame Monique Grout et
l’Association Fourqueux Patrimoine y contribueront.
Françoise Choay, Patrimoine du XX
e
siècle, un cas d’école : L’Aérium
d’Arès, in : Le Festin, 40, janvier 2002, 36–43.
Maurice Denis, Henri Marret, in : l’Art et les artistes, 93, janvier 1929,
121-125.
Gaston Varenne, Henri Marret, décorateur, et ses fresques pour l’Aérium
d’Arès, in : Art et décoration, septembre 1913, 77–80.
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Journées du patrimoine à Fourqueux
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